Un déficit qui dérange
C’est un déficit encore plus important que celui qui avait été initialement prévu.
L’INSEE a annoncé ce mardi matin ce que tout le monde redoutait : le déficit public atteint 5,5% du PIB pour un objectif de 4,9%. Ce sont plus de 15 milliards d’Euros de dépassement.
Le doux bruit d’une possible augmentation des impôts flotte dans les rangs politiques français depuis quelques jours. Mais c’est surtout la notation de la dette française qui sera cruciale, dans les semaines qui viennent.
🩺 C’est grave docteur ?
Ce mardi matin, l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques) a confirmé ce que le gouvernement craignait, en divulguant tôt le chiffre officiel du déficit public de la France pour 2023.
Bien loin de l’objectif de 4,9% promis à l’époque par le ministre de l’économie, Bruno Lemaire, le déficit a atteint 5,5% du PIB !
On rappelle que l’Union européenne exige de tous ses membres un déficit qui ne dépasse pas 3% du PIB national. Nous en sommes loin et cela devient une coutume dans notre pays de ne pas respecter l’équilibre de nos comptes. Et nous pouvons dire que c’est plutôt très ennuyeux de se retrouver dans une telle posture en 2023, pour plusieurs raisons :
- A l’inverse de 2020 (crise sanitaire), nous ne nous retrouvons plus, en 2023, dans une période dite de crise exceptionnelle. On parle donc bien de déficit structurel. Pour faire simple, on vit largement au-dessus de nos moyens, et ça dure depuis trop longtemps.
- Ce déficit a été largement creusé par des mesures d’urgence, en sortie de crise, et non pas pour des investissements de transition (transition écologique par exemple, investissements industriels, etc.). Il n’y a donc pas eu de création d’actifs, en tant que tels (pas de création de richesse).
- La croissance a été plus faible que celle initialement prévue (donc moins de TVA à rentrer, moins de cotisations sociales, etc.). Malheureusement, le manque d’anticipation de l’Etat n’a pas permis d’adapter les dépenses (au moins les dépenses exceptionnelles) à ces moindre rentrées fiscales.
- L’Etat français est dans une situation de déficit depuis 50 ans. Notre pays vit au-dessus de ses moyens, et personne ne semble enclin à baisser ce niveau. Jusqu’à quand ?
On peut donc dire que la situation est extrêmement délicate. Par le passé, le réflexe a toujours été de créer un impôt nouveau pour venir combler le « trou », en période de crise, mais surtout de ne pas profiter des périodes plus fastes pour résorber la dette.
👀 Où se situe la France par rapport à ses voisins ?
L’annonce de ce matin est aussi à comparer avec les résultats de nos voisins européens.
Et c’est là que les chiffres sont les plus tristes pour notre pays :
On se retrouve aujourd’hui parmi les trois plus mauvais élèves de la zone Euro en termes de taux d’endettement ; seulement l’Italie et la Grèce font moins bien que nous (avec un ratio atteignant 166,5 %, la Grèce détient de loin le plus fort taux d'endettement de l'Union européenne, devant l'Italie à 140,6 %).
La dette publique française atteint elle 110,6 % du PIB fin 2023, a précisé l’Institut national de la statistique et des études économiques.
Pour ce qui est du déficit public, nous ne sommes pas en reste, avec la cinquième plus mauvaise place au classement, derrière la Pologne (5,5%), la Hongrie (6,1%), la Bulgarie (6,6%) et enfin la Slovaquie (7%).
📝 Quelles conséquences sur notre notation ?
Après avoir perdu notre triple A en 2012, notre pays conserve une très bonne crédibilité sur les marchés financiers. La dette française reste soutenable selon les spécialistes.
On emprunte ainsi à des taux légèrement supérieurs à ceux pratiqués pour nos voisins allemands. Et tant que les taux ont été bas, on s’endettait « à peu cher ».
En revanche, avec la remontée des taux, la dette française pèse beaucoup plus dans le budget. Alors que nous étions à une charge d’intérêts (les seuls intérêts de remboursement de la dette) à 35 milliards en 2021, on a atteint 50 milliards en 2023 et nous serons sans doute à 80 milliards en 2027 !
Il est donc crucial d’inverser la tendance, c’est en substance ce que Bruno Lemaire a tenté d’expliquer ce matin, sur l’antenne de RTL.
Crucial pour garder la confiance des investisseurs, crucial pour rester crédible sur les marchés, et donc crucial pour conserver une notation qui permette de continuer de financer notre dette au meilleur coût.
Il y a fort à parier que des mesures fortes seront prises dans les prochains jours par le gouvernement, de sorte à donner un signal fort et rapide aux agences de notation.
À propos de l'auteur
Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français