Le crédit en France : une fuite en avant inédite !
En 2024, la tendance à la baisse de l’endettement des ménages français atteint un seuil alarmant. Seulement 41,9% des foyers détenaient un crédit, un chiffre qui marque un record de diminution depuis plus de trente ans. La cause ? Un ensemble de facteurs économiques et comportementaux qui expliquent ce désamour pour l’endettement. Cette situation, bien que soulageant certains ménages, crée des fractures économiques profondes, notamment avec un marché immobilier paralysé et des crédits à la consommation en déclin. L’Observatoire des Crédits aux Ménages (OCM) alerte sur les conséquences d’une telle évolution pour l’ensemble de l’économie.
📉 Le crédit en France : une contraction systématique depuis 6 ans
La baisse progressive de la détention de crédits, qui perdure depuis 2019, est un signe manifeste d’une évolution structurelle des comportements financiers. À la fin de 2024, le taux de détention de crédit des ménages français s’est établi à 41,9%, soit près de 8 points de moins qu’en 2019. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance :
- La crainte d’une incertitude économique à long terme, les conflits internationaux, et plus récemment l'instabilité politique en France, poussent les ménages à réduire leurs engagements financiers.
- Parallèlement, les conditions d’octroi des crédits sont devenues de plus en plus strictes, excluant une part importante de la population du marché du crédit. dans les raisons principales, on retrouve l'augmentation du coût du risque pour les banques, conséquence directe de la poussée inflationniste que le pays a traversée. La recrudescence des faux dans le montage des demandes de financement est aussi un sujet (c'est vrai particulièrement pour les prêts à la consommation), Les normes du HCSF ont aussi contribué à contraindre les politiques d'octroi des banques.
- En outre, la hausse des taux d'intérêt observée en 2023 a accentué cette situation, bien que l'assouplissement récent des taux n’ait pas encore suffi à relancer véritablement la demande de crédit.
🚘 Le crédit à la consommation en forte baisse : un privilège de plus en plus rare
Le crédit à la consommation, traditionnellement utilisé pour financer des achats comme des voitures ou des travaux, est celui qui subit la plus grande baisse. Entre 2019 et 2024, le taux de détention des crédits à la consommation a chuté de près de 8 points. Le crédit auto, en particulier, a connu une dégringolade importante, conséquence directe de la crise du secteur automobile et du durcissement des critères de financement (mais aussi substitution du prêt auto amortissable classique pour des LOA). De même, le crédit renouvelable, anciennement très prisé, est de plus en plus délaissé au profit de solutions alternatives telles que le paiement échelonné sans frais. Le crédit renouvelable connaît également un recul lié aux secteurs qui le portaient comme l'ameublement et l'électro-ménager qui sont en crise (moins de transactions immobilières dans le neuf comme dans l'ancien, ce sont autant de travaux d'aménagement et d'achats d'équipements de la maison en moins). D'une manière plus générale, le changement de comportement des Français met en lumière une volonté de consommer plus prudemment et d'éviter l'endettement à long terme.
🏠 Le marché immobilier figé : une situation difficile à débloquer
Le crédit immobilier ne connaît pas de véritable effondrement, mais sa croissance est pratiquement inexistante. En 2024, près de 30% des ménages détenaient un crédit immobilier, soit une légère baisse par rapport aux années précédentes. Toutefois, l'accès au crédit immobilier reste particulièrement complexe pour les primo-accédants, dont les intentions d’emprunt sont au plus bas, à 3,1%, bien en dessous de la moyenne historique. L’Observatoire des Crédits aux Ménages analyse bien les choses:
Les ménages qui ont déjà un crédit immobilier le conservent, mais ceux qui voudraient acheter peinent à se financer
Ce phénomène est dû à la frilosité des banques, qui, face à la conjoncture économique incertaine, durcissent leurs critères d’octroi. Parallèlement, si les prix de l'immobilier commencent à se stabiliser, la hausse passée des taux d'intérêt et la perte de pouvoir d'achat des ménages compliquent davantage l'accès à la propriété.
🚫 L’exclusion du crédit : les générations jeunes et populaires les plus impactées
La fracture sociale face au crédit est de plus en plus marquée. Les jeunes ménages et les foyers populaires subissent de plein fouet les restrictions d'accès au crédit. En 2024, le taux de détention de crédit pour les moins de 30 ans est tombé à 23,1%, en baisse de 2,5 points par rapport à 2023. Ces jeunes générations rencontrent des difficultés à accéder à un premier crédit immobilier, tandis que les prêts à la consommation deviennent de plus en plus inaccessibles. En revanche, les plus de 60 ans, souvent détenteurs d'une situation patrimoniale stable, continuent de bénéficier d’un accès plus favorable au crédit, avec des taux encore attractifs grâce aux prêts contractés dans le passé.
🦘 Vers un rebond en 2025 : le crédit va-t-il renaitre de ses cendres ?
Alors que la situation actuelle semble peu propice à un grand retour du crédit, des signes d'une légère reprise pourraient apparaître en 2025. La baisse des taux directeurs par la Banque Centrale Européenne pourrait avoir des effets positifs sur les taux bancaires, facilitant ainsi l'accès au crédit (attention toutefois aux prochaines évolutions des taux longs & OAT qui sont l'autre variable d'ajustement de l'évolution des taux à la hausse comme à la baisse). Cependant, cette reprise reste incertaine et dépend d'une amélioration du climat économique, financier (la dette) et politique de notre pays, entre autre. Le marché bancaire devra également faire preuve de davantage de flexibilité pour permettre à un plus grand nombre de ménages d'accéder au crédit. Sans ces ajustements, l’accès au crédit pourrait rester limité, ne concernent qu’une minorité de foyers solvables.
À propos de l'auteur
Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français