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Le HCSF penche plutôt pour une « normalisation » du crédit à l’habitat
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Le HCSF penche plutôt pour une « normalisation » du crédit à l’habitat

Nombreux sont celles et ceux qui attendent les annonces du Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) du 13 juin prochain. Pourtant, les choses semblent être déjà statuées. Pour preuve, l’intervention de Agnès Bénassy-Quéré ce jeudi 8 juin. Entre humour et finesse, elle prend les professionnels du secteur à contre-pied.

« Un pays qui a rattrapé son retard »

Agnès Bénassy-Quéré pose le jeu en rappelant que la France, qui a longtemps été à la peine en termes d’endettement, a depuis 10 ans largement rattrapé son retard sur ses voisins européens. La folle période connue dans l’immobilier n’est pas étrangère à cette situation : 

« À 65% du PIB (et 101% du revenu disponible brut) en fin d’année 2022, la dette des ménages français est la plus lourde des quatre grands pays de la zone euro ». Et même si les encours de crédits sont contractés à taux fixe (plus sécurisant), la Banque de France ne souhaite pas « faire peser de risque supplémentaire sur la dette des Français ». 

C’est une bonne raison pour continuer d’encadrer le crédit, comme cela est initié par le HCSF depuis la fin de l’année dernière.

Repli du crédit excessif ? Cela dépend d’où l’on part…

Avec un encours de production nouvelle de crédits immobiliers de plus de 12Mds€ pour le mois d’avril, la Banque de France constate que notre pays se situe bien au-dessus de nos voisins allemands (9Mds€) ou encore espagnols et italiens (4Mds€ respectivement). Et Agnès Bénassy-Quéré interpelle le lecteur :

« Le bon niveau de production du crédit est-il de 5, 10, 12 ou 20 Mds€ par mois ? ».

Elle précise également que la situation que nous avons connue résulte d’une période extraordinaire durant laquelle les Français avaient acquis une forte augmentation de pouvoir d’achat jusqu’en 2017 (grâce à la baisse des taux). À partir de cette période, même avec des baisses continues des taux, le pouvoir d’achat immobilier des Français s’est contracté par l’envolée des prix des logements (augmentation des prix qui s’est accélérée encore post-covid d’ailleurs). Et c’est alors l’allongement des durées de prêt qui aura permis de maintenir un pouvoir d’achat des ménages Français.

La redoutable remontée des taux que nous subissons depuis des mois maintenant avec des prix de l’immobilier toujours élevés vient frapper de plein fouet le pouvoir d’achat des Français. Et donc contracter un marché qui a connu des points hauts historiques. Cette situation met à mal le milieu professionnel (promoteurs, courtiers et agents immobiliers…).

Agnès Bénassy-Quéré rappelle à ces professionnels que :

« La loi générale en finance est que le prix des actifs évolue à l’inverse des taux d’intérêt ».

On ne peut donc être plus clair : il faudra sans doute attendre que les prix de l’immobilier baissent de façon significative pour que le marché se détende et que les Français retrouvent mécaniquement du pouvoir d’acheter.

Et ne pas compter donc sur quelques assouplissements ?

Un marché de la construction « pas si malade »

Malgré les appels à réagir des promoteurs (entre autres) qui ont des programmes immobiliers qui sont soit à l’arrêt, soit en peine de réservation (pour certains), Agnès Bénassy-Quéré nous rappelle que :

« Avec 431 800 constructions autorisées (et 354 200 commencées) entre mai 2022 et avril 2023, le volume global reste proche du niveau d’avant la pandémie (460 100 constructions autorisées et 385 200 commencées entre mars 2019 à février 2020), et dans l’ordre de grandeur de la projection des besoins réalisée par le Commissariat général au développement durable - entre 300 000 et 350 000 logements par an ».

Il faudra bien suivre l’évolution des constructions commencées par rapport aux constructions autorisées, au cours des prochains mois, pour mieux comprendre vers quelle tendance le marché de la construction s’oriente véritablement pour la fin de l’année. En tout état de cause, pour la Banque de France, il n’y a pas de sujet.

Et des « primo » toujours dans la course

Enfin, autre sujet de discorde entre la Banque de France, le HCSF et les professionnels de l’immobilier : les primo-accédants. Les professionnels du financement immobilier rencontrent souvent des couples de jeunes qui se voient refuser leur prêt immobilier pour des raisons de revenus, et encore plus souvent pour des manques d’apport. Ces constats sont repris quotidiennement par l’ensemble des médias Français et le phénomène s’amplifie de mois en mois depuis la fin de l’année dernière. Pourtant, Agnès Bénassy-Quéré tient à rappeler que :

« La part des moins de 35 ans dans les prêts à l’habitat est en hausse depuis 2019 et n’a pas fléchi en 2022-23, de même que la part des ménages dont les revenus sont inférieurs à trois fois le SMIC » (source Crédit Logement).

Cette position soutenue par la Banque de France permet de comprendre pourquoi le HCSF ne fera très certainement pas d’aménagement sur ces critères restrictifs le 13 juin prochain, puisqu’il n’y a pas d’alerte selon l’économiste.

Des annonces le 13 juin ?

Pour conclure, la normalisation du crédit à l’habitat semble être le cheval de bataille choisi ou consenti par la Banque de France, pour continuer d’endiguer l’inflation sur les prix de l’immobilier, limiter par la même occasion le développement du parc des résidences secondaires, et pour attirer l’attention des investisseurs sur la vacance de leurs parcs locatifs si les prix du foncier ne baissaient pas.

L’ensemble de la profession qui attend donc que le HCSF assouplisse les règles mises en place (« le Haut Conseil de Stabilité Financière a recommandé (en décembre 2019), recalibré en janvier 2021, puis imposé (en janvier 2022) une limite aussi bien à la durée des prêts (25 ans) qu’au taux d’effort des emprunteurs (35%) ») pourrait donc bien être déçu le 13 juin prochain.

Agnès Bénassy-Quéré semble déjà, par cette tribune, nous indiquer le prochain statu-quo. 

Affaire à suivre…

À propos de l'auteur

Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français